Carnet de route

2025-06-22 Initiation Alpinisme au Trient

Le 22/06/2025 par Arnauld Dodard

Le 17 Juin, alors que le crépuscule peignait le ciel de Morteau de teintes indigo, nous étions huit apprentis aventuriers et quatre encadrants à nous réunir au local, nos cœurs battant d’une excitation mêlée de nervosité. Nos quatre mentors de Varappe et Montagne, des figures familières et pourtant déjà auréolées de légendes à nos yeux, nous attendaient. L'air était chargé de palpitation, alors que nous faisions l'inventaire de notre équipement : chaussures, crampons aux dents acérées, piolet prêt à mordre la neige. Nous n'étions pas de simples randonneurs ; nous étions sur le point de toucher les cieux.

L'objectif de cette initiation à l'alpinisme était de conquérir le sommet de la Tête Blanche ou de l'Aiguille du Tour, en partant de la cabane du Trient, un avant-poste de pierre niché à 3170 m. Pour y parvenir, nous devions remonter le majestueux glacier d'Orny. Les cartes et topos s’étalaient sur la table, des lignes de contours d’altitude dansant comme des runes mystiques et nous menant à une hâte indescriptible. On nous annonça une météo idéale pour le week-end, une nouvelle qui aurait dû nous ravir, mais un avertissement subtil plana : la chaleur excessive risquerait de rendre la neige molle et la roche instable, un piège sournois lors de notre expédition vers notre initiation d’alpiniste.

Le 21 juin, le départ fut un rituel pour ma part. À 7h15, le soleil caressait déjà les toits de Morteau. Nous avalâmes des croissants et du café, un festin sacré avant notre aventure commune. Un départ n’est jamais simple et la logistique du convoi fut le premier test. Les « Saugeais » et les « Pontissaliens » partirent directement vers le point de rendez-vous, nous laissant derrière pour le grand départ.

Après deux heures et demie de route, nous arrivâmes à Champex-Lac, une porte vers un autre monde, les montagnes majestueuses se dessinaient au gré de notre arrivée. Après cette équipée et préparés mentalement nous prîmes le télésiège de la Breya. La montée nous offrit un panorama époustouflant, mais la magie fut rapidement remplacée par l'effort. Deux heures de marche et déjà 300 mètres de dénivelé positif plus tard, une ampoule trahissait la faiblesse de mon pied. La douleur était un tribut minime à payer pour le spectacle qui s'offrait à nous : une vallée luxuriante où l'eau du glacier d’Orny coulait avec la sérénité d'une rivière enchantée. Cet enchantement permit de nous reposer et de reprendre des forces avec des vivres bien appréciées par nos douze valeureux aventuriers.

À 13h05, la cabane d'Orny, un havre de paix niché dans le triangle des sommets du Châtelet, Portalet et d’Orny, se dessina enfin au loin. Nous l'atteignîmes à 13h23, après une marche harassante sous une chaleur accablante. La cabane, située à 2824 m, grouillait de monde. Nous avions l’impression d’être des pèlerins arrivant au temple mais nous étions encore loin de notre objectif, la cabane du Trient.

Le vrai test commença à 14h00. Sur le glacier d’Orny, à 2779 m d'altitude, nous enfilâmes nos baudriers, nos crampons acérés et nous nous munîmes de notre piolet aiguisé à couper neige et glace. Le métal de nos crampons et piolet crissa contre la glace et la neige, un chant martial qui résonnait dans le silence des montagnes qui nous entouraient. Nous étions désormais des créatures de glace et de roche, reliées par des cordes, nos vies entremêlées dans la confiance de notre cordée.

Nous grimpâmes le glacier d’Orny, nos corps s’adaptant à l'air de plus en plus raréfié par l’ivresse des sommets. À 16h30, après avoir atteint le col d’Orny à 3164 m, nous nous entraînâmes aux manœuvres essentielles : des nœuds qui sauvent des vies, des chutes contrôlées, merci à nos encadrants. Le tout, avant d'arriver au pied d'une face rocheuse à 16h40. Nous abandonnâmes nos crampons pour une dernière poussée vers la cabane du Trient, une délivrance pour notre équipe, nichée au pied du sommet d’Orny un sanctuaire dans les cieux, taillé dans la roche des sommets suisses.

À 16h58, l’arrivée au refuge, à 3279 m, fut un soulagement indescriptible. Les chaussures furent retirées avec une joie presque religieuse, la prise de possession de notre dortoir fut un soulagement après une marche d’approche très éprouvante. Le rite de l'apéro commença, des tartes et des bières partagées devant la majestueuse Aiguille de la Varappe, un nom qui semblait nous faire un clin d’œil.

Alors que les nuages commençaient à se rassembler comme des esprits des montagnes, le dîner fut servi à 18h10. Un festin copieux nous attendait : soupe, salade, sauté de veau. Mais le véritable régal fut l’éclat de rire qui éclata lorsque quelqu'un raconta l'histoire de Dark Vador et de sa lumière rouge. La camaraderie fut notre véritable repas, nous étions une vraie équipe reliée par la bonne humeur et la joie d’être là.

La nuit fut chaotique pour ma part, une épreuve de plus. Le ronflement d'Alexandre (qui au passage n’a jamais ronflé !) fut un combat de plus à mener, une symphonie cacophonique qui semblait se moquer de nos ambitions. Mais le réveil fut une récompense après 3 heures de sommeil selon ma montre, notre équipe a l’air d’avoir dormi sur leurs deux oreilles, c’est une satisfaction pour le groupe. À 3h45, le ciel était un tableau de milliard d’étoiles et annonçait une journée mythique sans nuage à graver dans les mémoires. J'ai pu voir la déception de JP devant l'absence de Nutella (dans tous les refuges il y a du Nutella, bah pas dans celui-là !!). Il y avait de la confiture et du beurre pour compenser !

À 4h52, nous étions à nouveau en mouvement avec la frontale visée sur notre casque. Le ciel était d'un bleu profond mais pas encore éclairé par les lueurs du soleil, l'air glacial à 4 degrés. Les crampons grinçaient sous nos pas, un bruit familier et rassurant de la neige dure. À 5h47, les premiers rayons du soleil frappèrent les versants Est, illuminant les sommets d'une lumière orange qui se mêlait au bleu du ciel. C’était la magie de l’alpinisme, une récompense pour chaque effort. Voilà pourquoi nous faisons ça ! La magie de notre Terre et de la nature !

Notre objectif, l'Aiguille du Tour, se dressait devant nous. Le rythme était bon, nous avancions comme une seule entité, les 4 cordées unies comme une équipe. Les crevasses, des failles dans la glace, furent contournées avec une agilité acquise. Une fois la rimaye franchie, nous nous engageâmes dans une pente à 43°, nos cordées se resserrant à moins de 5 mètres. Une fois notre but atteint nous laissâmes notre matériel au pied de face rocheuse qui nous dominait !

À 7h34, nous étions au sommet de l'Aiguille du Tour. La vue sur le Mont Blanc et l'Aiguille Verte était un spectacle à couper le souffle. Quatre cordées victorieuses, douze âmes en communion avec les sommets. La satisfaction était une sensation pure, une euphorie qui s’imprimait dans nos mémoires.

Nous redescendîmes vite fait, devant le monde qui s’accumulait au pied du sommet que nous venions de conquérir, une fois en bas la neige était molle, la progression plus difficile. Hugo et moi, dans un élan d'audace, sautâmes une crevasse. Pendant un instant, nous étions des géants, nous étions dans l'Himalaya, nous étions les maîtres des montagnes.

À 9h56, nous étions de retour au col d’Orny, le soleil brillant. Nous étions en manches courtes, la chaleur écrasante nous rappelant l'avertissement de la météo. À 11h10, les glaciers de Trient et d’Orny étaient derrière nous. Nous étions sur la moraine du glacier d’Orny, chargeant nos sacs à dos avec les crampons, piolet et tout le matériel qui nous a permis de côtoyer les cieux ; nos sacs furent beaucoup plus lourds avec notre équipement, nous suivions tous JP à travers la moraine sauf Christelle et Alie qui partirent à la poursuite de JP, un de nos quatre mentors, qui avec son pas aiguisé sur la roche et la neige sema nos deux aventurières. Après s’être fait semées, nos deux aventurières partirent en quête de raccourci jamais trouvé et finalement, rejoignirent le chemin destiné à notre descente vers notre la vallée idyllique de la veille pour se reposer.

Le déjeuner fut une pause bénie. Nous avions une heure pour nous reposer, pour laisser nos pieds respirer. Certains, comme Antoine, firent une sieste et attrapèrent des coups de soleil et Christelle en profita pour faire des photos volées de notre repos. Alie en profita pour gouter la fraicheur des eaux du glacier avec ses pieds meurtris par nos 16 heures de marche. Une fois de plus, le rire fut notre compagnon de route. L'aplomb de Christelle, qui a pris Alexandre au mot pour porter sa corde, a prouvé qu'il fallait se méfier de l'humour en altitude.

À 13h27, nous atteignîmes le télésiège de la Breya. La descente fut un soulagement, la chaleur une épreuve. JP me fit remarquer mes deux grosses ampoules, ma « lumière à tous les étages », une blague qui me fit rire malgré la douleur. Christelle partageait ma douleur, la preuve que ces montagnes ne laissent personne indifférent et nous laissent des souvenirs inoubliables et permettent de se forger des liens entre amis comme une corde qui relie des alpinismes entre eux.

Après un débriefing autour d'une bière à Champex-Lac, nous avions l'impression d'avoir passé un week-end entre amis, d'avoir créé des liens indéfectibles. Nous rentrâmes le cœur léger et l'esprit rempli de souvenirs. Merci à nos quatre encadrants et au club Varappe et Montagne de Morteau, d'avoir fait de nous des alpinismes, des conteurs d'histoires et des amis.







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