Carnet de route

2022-08-02 Grand Paradis (4061 m), Objectif 4000 pour un anniversaire

Le 02/08/2022 par Philippe Roy

La semaine passée fin juillet au Camp d’été du Comité Régional nous a permis de nous entraîner et d’engranger quelque 6000 mètres de dénivelé dans les jambes. L’objectif 4000 pour les 40 ans est tout proche d’aboutir. Partis de la Bérarde le dimanche soir avec une halte vers Chambéry, nous transitons via le col du Petit Saint-Bernard pour atteindre le lundi après-midi le Valsavarenche en Italie. Le soleil ne nous a pas quittés et sans surprise, dans ce décor magnifique, les glaciers italiens font également grise mine. La montée au refuge Chabod est superbe, d’abord à travers les mélèzes qui nous abritent de leur ombre précieuse puis les brises d’altitude nous accompagnent jusqu’au pied du Piccolo Paradiso qui se détache sur le ciel azur.  Serge m’a conseillé le Grand Paradis en traversée par le refuge Chabod : « Tu verras, il y a moins de monde et le refuge est vraiment chouette. Le lendemain, tu redescends du sommet par l’autre itinéraire via le refuge Victor Emmanuel ».

Dès notre arrivée, nous sommes rassurés sur la course à venir et l’accès au sommet. Les guides italiens ont disposé deux passerelles en bois sur les crevasses ouvertes du glacier de Lavecciu et la rimaye qui mène au sommet est équipée de deux échelles métalliques. Photos à l’appui, nous apprenons que l’ascension finale de la partie rocheuse se fait désormais dans un sens obligatoire. On passe main gauche sous le sommet de la vierge puis après un court passage vers la Madone, à 4058 m, la descente s’effectue par l’arête, ce qui évite les embouteillages de cordées qui se croisent.  Par contre, la gardienne nous indique que la descente vers Victor Emmanuel n’est pas très aisée faute de neige. Certains guides redescendent même sur le versant du glacier de Lavecciu pour éviter une descente inconfortable avec leurs clients. Décision est donc prise de faire le sommet du Grand Paradis en aller-retour depuis le refuge Chabod, ce qui allégera quelque peu nos sacs à dos. Un rapide décompte lors du repas indique une cinquantaine de personnes seulement au refuge. En pleine saison estivale, c’est finalement une aubaine pour nous. La carte est à nouveau étudiée, l’itinéraire et les points de décision identifiés. Le repas est vite avalé et la nuit s’avère calme et reposante dans un dortoir clairsemé.  

Debout à 3h30, le petit déjeuner est englouti. Nous sommes prêts avec Marie et décidons de partir les premiers. Le cheminement assez évident nous mène à travers les moraines vers la rive droite du glacier de Lavecciu que nous atteignons après une heure de marche et 400 m de dénivelé. Très vite, nous avons été rejoints par deux guides italiens et leurs clients. Nous ne les quitterons plus qu’au sommet, cheminant ensemble d’abord sur une glace noire et sèche sans dangers objectifs puis entre les crevasses et les ponts de neige du glacier. Quelques zig-zag plus tard, les crevasses nous rappellent notre condition d’humain sur cette glace épaisse. Marie s’en sort bien, le passage des passerelles en bois est une formalité. L’allure est régulière et nous progressons à un bon rythme. Vers 3700 m, notre itinéraire rejoint celui de la voie normale et nous voilà dans le flux des cordées montant et même déjà descendant du sommet. On voit ici et là quelques individus évoluer seuls sur le glacier : sans doute misent-ils sur le fait que le nombre d’alpinistes suffit à leur sécurité ?  

Nous mettrons 1h30 pour avaler les 350 derniers mètres de dénivelé, en franchissant la rimaye sur la fameuse échelle métallique, le passage est davantage impressionnant que difficile. Nous restons corde tendue jusqu’aux rochers du sommet tout proche. Une fois les crampons et piolet ôtés, nous empruntons le giratoire imposé pour la partie finale, disposant méthodiquement la corde dans les queues de cochon pour le dernier passage vertical équipé tel une via ferrata. Cette partie artificialisée a l’avantage de rendre la progression fluide et c’est sans doute un gain de temps et de sécurité pour tout le monde. Nous voici auprès de la Madone et quelques larmes d’émotions plus tard, Marie et moi rejoignons nos piolets-crampons. Nous prenons le temps d’avaler un morceau de fromage italien devant le cirque glaciaire de Tribolazione : un panorama à couper le souffle. 

Le passage de la rimaye mérite la pose d’une broche à glace pour nous rassurer et nous voici sur la trace facile. Il n’y a « plus qu’à » descendre les 1300 mètres nous séparant du refuge. Nous avançons sans précipitation corde tendue, la neige a ramolli, nous approchons de la mi-journée. Nous retrouvons les passerelles de bois, les ponts de neige et nous rejoignons une cordée de 5 qui quittera le glacier de Lavecciu rive gauche pour rejoindre par une traversée le refuge Victor Emmanuel. Le doute s’installe alors que nous arrivons vers 3300 m à l’aplomb de l’arête ouest descendant du Piccolo Paradiso. Des crevasses devant nous, des crevasses à gauche, des crevasses à droite… la glace noire ne permet pas de voir une trace de descente évidente, il y a des traces de pointes de crampons un peu partout… Où sommes-nous passés ce matin ?? J’ai eu la bonne idée, pour une fois, de mettre mon GPS en route au départ du refuge. Il nous sauva la mise et nous retrouvons finalement l’itinéraire. Je prends le temps de dégager à coup de piolet deux gourdes métalliques délivrées du glacier par cet été caniculaire. Nous ne saurons jamais de quand elles datent. Nous atteignons la moraine vers 13h00, cela fait donc 3 heures que nous descendons, déjà… L’eau ruisselle de toute part, alimentant les torrents qui rejoignent la vallée d’Aoste. Encore un effort et nous sommes attablés au refuge, retrouvant avec fierté  les guides italiens et leurs clients, qui avaient le choix d’une descente plus rapide.  

Un premier 4000 pour 40 ans, c’est chouette. Bon anniversaire Marie !  







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